Pourquoi le rNPV ne suffit pas à lui seul pour évaluer une biotech
Le rNPV s’est imposé comme la méthode de référence pour valoriser une biotech. Mais ce modèle n’est pas sans limites. Ce deuxième volet explore les failles du rNPV : subjectivité des hypothèses, biais narratif, angles morts réglementaires et montre pourquoi, malgré tout, il reste un outil incontournable pour structurer l’incertain.
Sony Clément
6/6/20253 min read


Et si le rNPV mentait sans le savoir?
Dans le premier volet, nous avons vu comment le rNPV s’est imposé dans le monde de la biotech. En intégrant une probabilité d’échec clinique dans les flux futurs, ce modèle offre une alternative plus lucide au classique DCF (Discounted Cash Flow). Il permet de ne pas rêver trop haut et donc de construire des valorisations plus solides.
Cependant, aussi rigoureux soit ce modèle, il n’est ni infaillible, ni neutre. Et c’est là que les choses se compliquent. Car si le rNPV prend en compte le doute, il reste basé sur des hypothèses humaines. Ce qu’il gagne en réalisme, il peut parfois le perdre en objectivité.
Dans ce second volet, on s’attaque à la face cachée du modèle. Vous découvrirez:
Pourquoi un rNPV mal construit peut faire illusion,
Ce que ce modèle ne capte jamais vraiment : concurrence, payeurs, réputation, vitesse,
Et pourquoi il faut savoir lire entre les lignes, surtout quand les chiffres paraissent rassurants.
Le rNPV: un cadre puissant mais façonné à la main
Le rNPV représente une avancée significative. Mais comme tout modèle, il ne vaut que par ce qu’on y met, à savoir, la probabilité de succès. Elle n’est pas une donnée absolue, mais un choix. 30 % pour une phase II ? Très bien. Mais sur quelles bases ? Études statistiques ? Données internes ? Optimisme assumé ? Changez ce chiffre, et vous pouvez doubler ou diviser par deux la valorisation d’un projet.
Le danger est là. On ne truque rien, mais on oriente tout. Comment ?
En élargissant un marché cible.
En lissant la courbe de pénétration.
En réduisant le taux d’actualisation de 10 % à 8 %.
Et très vite, une molécule encore fragile devient un « potentiel blockbuster » sur Excel.
Le risque du modèle décoratif
Ce n’est pas de la fraude. Ce n’est même pas toujours volontaire. Mais dans l’univers des biotechs, où les narratifs sont parfois plus puissants que les bilans, le rNPV peut devenir un vernis rationnel sur une histoire séduisante. On veut que le modèle montre ce qu’on croit déjà. Et le modèle, bien construit, obéit. C’est là qu’il faut être vigilant. Un rNPV crédible, ce n’est pas un joli tableau. C’est un modèle qui :
Documente chaque hypothèse,
Accepte les marges d’erreur,
Résiste au récit qu’on aimerait entendre.
Ce que le rNPV ne voit et qui compte énormément
Même bien construit, le rNPV reste aveugle à plusieurs dimensions-clés de la valeur :
La concurrence : un produit peut avoir de bonnes chances cliniques, mais arriver trop tard face à un concurrent plus rapide ou mieux financé.
Le pouvoir des payeurs : un médicament approuvé ne sera pas forcément remboursé à bon prix. L’accès au marché est un deuxième mur à franchir, et il n’est pas modélisé.
La réputation de l’équipe dirigeante : elle influence la capacité à lever des fonds, à signer des deals, à rassurer le marché. Mais aucun tableur ne l’intègre.
Le timing : une AMM obtenue un an trop tard peut faire perdre une fenêtre commerciale décisive. Là encore, le rNPV ne capture pas ce genre de friction réelle.
Autrement dit : le rNPV donne une valeur théorique. Mais une biotech n’est jamais une valeur théorique. C’est une aventure, une stratégie, un timing. Et ça, seul le regard d’un analyste ou d’un investisseur attentif peut l’attraper.
Le rNPV: boussole, pas GPS
Bien utilisé, le rNPV est un outil formidable. En effet :
Il structure l’incertitude,
Il force à expliciter les choix,
Il permet de comparer des projets très différents.
Mais il ne prédit rien. Il ne sécurise pas une thèse d’investissement. Et surtout, il ne remplace pas l’analyse critique, l’intelligence de terrain, ou le flair d’un investisseur aguerri.
Conclusion
Ce que le rNPV nous dit et ce qu'il ne dira jamais
Le rNPV ne dit pas ce qu’il va se passer. Il dit ce que vous supposez qu’il pourrait se passer. Et cela suffit à en faire un outil précieux à condition de ne jamais le confondre avec une vérité.
En pratique :
Il permet un dialogue structuré entre biotech, investisseurs, analystes.
Il pousse à formaliser les hypothèses et à tester différents scénarios.
Il crédibilise un dossier, à condition de ne pas l’enrober de fiction.
Mais il n’évitera jamais :
La surinterprétation des données,
Les récits trop beaux pour être vrais,
L’oubli des signaux faibles.
Le rNPV ne protège pas du risque. Il l’expose. Il le chiffre. Il le rend visible. Et c’est déjà beaucoup.